Los siguientes microcuentos de Lilian Elphick fueron traducidos al francés por Caroline Lepage y Hélène Roy, de la Universidad de Poitiers y Universidad de Lyon, respectivamente.

« Monstresse I »

 Un éclat. Une lumière. Maintenant. Une douleur irisée est visible dans tes yeux ; ton regard quand nous nous sommes perdus dans la nuit, après avoir paroler, tandis que tu me manques car tu t’en vas et restes, et aucun baiser ne fleurit sur l’oreiller. Je détaille tes petites miettures : c’est par là que tu t’échappes, sans plus d’aspérité, désensablée, propre. À ce moment-là, je suis la peau d’un tiers qui conserve parfois la tienne sous la forme de mon propre souvenir. Ou la glace qui brûle sa confession : tu savais que les mots peuvent être un poing ? Parviendras-tu à t’abriter à l’ombre de mon midi ? Je ne veux dire que peu de choses sur la nostalgie : rituel miroitant ; la brutalité du masque.

« Monstresse III »

Couchée dans le dernier recoin de cette ville fortifiée, je sniffe de la colle. Un « M » cousu dans mon dos m’identifie. Je ne suis pas une mendiante, mais les gens s’entêtent à jeter des ordures aux quatre coins de la géographie de ma jupe. Je sais que le soleil se lève de ce côté-là et que les chiens gardent mes affaires : mon panier vide, ma cape rouge reprisée. Avant de mourir, ma grand-mère m’a dit : porte une branche de romarin autour de ta cheville. Je l’ai fait. Les mauvais esprits ne grognent pas après moi. Pourtant, je sens à chaque instant les crocs du loup, les vrais, s’enfoncer dans mon estomac et déformer les songes du bois où je n’étais qu’une toute petite fille, amoureuse de la faim du loup.

« Monstresse IV »

Je n’ai pas de jambes ; un accident, vous voyez. Mais je me déplace dans une carriole. Mes amis, ceux qui me montent dans l’omnibus, m’appellent « la petite ». Parfois, c’est ce bon vieux Jonás qui m’emmène et il ne cravache pas son cheval pour m’éviter d’être ballotée entre les résidus de salades et les fanes de carottes. Ceux qui ne m’aiment pas me jettent des pierres ; ici, en rase campagne, les pierres, ça n’est pas ça qui manque. Je sais faire peur ; je me défends. Le silence, voilà ce qui me met le plus en rogne. Il me susurre des bêtises : laide monstresse, sale femelle ; allez, tue-toi, jette-toi dans le précipice. Pendant ce temps, moi, je graisse mes roues et j’aiguise mon couteau pour le taillader en deux quand j’arriverai à le prendre au dépourvu.

 

« Monstresse V »

Je dirai la vérité : j’ai une longue queue poilue, davantage semblable à celle des castors qu’à celle des chats, des êtres fourbes qui somnolent dans le lit des humains. J’ai commencé à la cacher depuis que mes ailes sont apparues. Je ne voulais pas que les autres se moquent de moi ou me dénoncent auprès de celui qui détient les clefs (si je le nomme, il me démasquera). J’ai cousu moi-même la tunique, avec le gardien de nuage comprimé. Elle vit là-bas, enroulée comme un serpent, dans l’attente. Quand je descends sur terre, je la libère et elle, évidemment, elle s’agite, remue, et moi, heureuse, je la pomponne, lui fais des tresses, démêle ses poils. C’est à ce moment que le miracle se produit : une fillette sans dent,  à peine vêtue, qui dort sous un pont, me montre quelque chose avec son petit doigt et se met à rire. Nous percevons alors l’une et l’autre la montée des eaux.

 

« Monstresse VI »

Toi qui a été plus monstre que tous les monstres réunis, dis-moi,  que dois-je faire pour que tu me regardes ? Quel titre de gloire dois-je brandir quand le troisième œil se cache dans les plis de ma conscience ? Quel mot choisir (comme s’il s’agissait de la vanille ou du chocolat amer) à l’heure où mes excroissances m’emprisonnent ? Où aller quand ton absence devient l’espace sacré, intouchable, impénétrable et parfois tellement inutile ? Où ma main invalide peut-elle t’atteindre ? Car tu dois savoir que ma main a cherché à te trouver dans des bois et des déserts, dans les lieux stériles des cybernautes ; sans toi, la main n’a pu devenir main. Maintenant, c’est la petite griffe qui écrit cela, péniblement, dans ma citadelle invisible.

 

Lilian Elphick

Traduits par Caroline Lepage et Hélène Roy

(Université de Poitiers et Université de Lyon)

 

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En: Blog Lectures d’ailleurs

Monstruos y Monstruas